CHAPITRE V
Le premier soin de Pencroff, dès que le train de bois eut été déchargé, fut de rendre les Cheminées habitables, en obstruant ceux des couloirs à travers lesquels s’établissait le courant d’air. Du sable, des pierres, des branches entrelacées, de la terre mouillée bouchèrent hermétiquement les galeries de l’ouvertes aux vents du sud, et en isolèrent la boucle supérieure. Un seul boyau, étroit et sinueux, qui s’ouvrait sur la partie latérale, fut ménagé, afin de conduire la fumée au dehors et de provoquer le tirage du foyer. Les Cheminées se trouvaient ainsi divisées en trois ou quatre chambres, si toutefois on peut donner ce nom à autant de tanières sombres, dont un fauve se fût à peine contenté. Mais on y était au sec, et l’on pouvait s’y tenir debout, du moins dans la principale de ces chambres, qui occupait le centre. Un sable fin en couvrait le sol, et, tout compte fait, on pouvait s’en arranger, en attendant mieux.
Tout en travaillant, Harbert et Pencroff causaient.
« Peut-être, disait Harbert, nos compagnons auront-ils trouvé une meilleure installation que la nôtre ?
— C’est possible, répondait le marin, mais, dans le doute, ne t’abstiens pas ! Mieux vaut une corde de trop à son arc que pas du tout de corde !
— Ah ! répétait Harbert, qu’ils ramènent M. Smith, qu’ils le retrouvent, et nous n’aurons plus qu’à remercier le ciel !
— Oui ! murmurait Pencroff. C’était un homme celui-là, et un vrai !
— C’était… dit Harbert. Est-ce que tu désespères de le revoir jamais ?
— Dieu m’en garde ! » répondit le marin.
Le travail d’appropriation fut rapidement exécuté, et Pencroff s’en déclara très satisfait.