Terre Errante de Cixin Liu
Traduit par Gwennaël Gaffric
Et lu par Luc de Villars
L'ÈRE DU FREINAGE
Je n'avais jamais vu la nuit. Je n'avais jamais vu les étoiles. Je n'avais jamais vu le printemps, ni l'automne, ni l'hiver.
Je suis né à la fin de l'Ère du freinage. La Terre venait tout juste d'arrêter de tourner.
Quarante-deux années avaient été nécessaires pour interrompre la rotation de la planète, soit trois de plus que dans le plan initial dressé par le gouvernement de la Coalition.
Ma mère m'a raconté comment elle avait contemplé en famille le dernier crépuscule. Le soleil était descendu, lentement, comme s'il avait décidé de faire halte sur la ligne de l'horizon. Trois jours et trois nuits s'étaient écoulés avant qu'il disparaisse enfin.
Bien entendu, à compter de cet instant, il n'y a plus eu ni "jour" ni "nuit". Pendant longtemps – une décennie environ –, l'hémisphère Est a été enveloppé dans un crépuscule permanent, car le soleil n'avait pas totalement sombré derrière l'horizon : la moitié du ciel visible était encore inondée de sa lueur.
C'est durant cet interminable âge crépusculaire que je suis venu au monde.