Où s’engage une conversation qui pourra coûter cher à phileas fogg
Phileas Fogg avait quitté sa maison de Saville-row à onze heures et demie, et, après avoir placé cinq cent soixante-quinze fois son pied droit devant son pied gauche et cinq cent soixante-seize fois son pied gauche devant son pied droit, il arriva au Reform-Club, vaste édifice, élevé dans Pall-Mall, qui n’a pas coûté moins de trois millions à bâtir.
Phileas Fogg se rendit aussitôt à la salle à manger, dont les neuf fenêtres s’ouvraient sur un beau jardin aux arbres déjà dorés par l’automne. Là, il prit place à la table habituelle où son couvert l’attendait.
Son déjeuner se composait d’un hors-d’œuvre, d’un poisson bouilli relevé d’une « reading sauce » de premier choix, d’un roastbeef écarlate agrémenté de condiments « mushroom » , d’un gâteau farci de tiges de rhubarbe et de groseilles vertes, d’un morceau de chester, - le tout arrosé de quelques tasses de cet excellent thé, spécialement recueilli pour l’office du Reform-Club.
À midi quarante-sept, ce gentleman se leva et se dirigea vers le grand salon, somptueuse pièce, ornée de peintures richement encadrées.
Là, un domestique lui remit le Times non coupé, dont Phileas Fogg opéra le laborieux dépliage avec une sûreté de main qui dénotait une grande habitude de cette difficile opération.
La lecture de ce journal occupa Phileas Fogg jusqu’à trois heures quarante-cinq, et celle du Standard - qui lui succéda - dura jusqu’au dîner.
Ce repas s’accomplit dans les mêmes conditions que le déjeuner, avec adjonction de « royal british sauce » .
À six heures moins vingt, le gentleman reparut dans le grand salon et s’absorba dans la lecture du Morning-Chronicle.
Une demi-heure plus tard, divers membres du Reform-Club faisaient leur entrée et s’approchaient de la cheminée, où brûlait un feu de houille.