Derrière chaque manuscrit se cache une histoire.
Même sans l’avoir forcément vu, chacun connait le film de Jean Cocteau, La Belle et la Bête avec Jean Marais et Josette Day. Œuvre cinématographique majeure, onirique, sortie sur les écrans français en 1945 et incroyablement moderne pour son époque, le film fut d’abord un manuscrit qui reflète quasiment image par image le travail de Jean Cocteau.
Sur 90 pages à l’encre bleue, divisées en deux colonnes, tout le film est là : les indications de mise en scène à gauche, les dialogues à droite. Mais comment ce film est-il né ? Pourquoi Jean Cocteau eut-il envie d’adapter ce conte populaire que Madame Leprince de Beaumont rendit célèbre en 1757 ?
Cocteau avait relu La Belle et la Bête pendant la guerre. Et nul doute qu’au milieu de cette sombre période ce conte apparut pour lui comme une éclaircie.
En 1944, il propose donc à Marcel Pagnol de s’associer à lui pour faire aboutir ce projet. Un accord est passé entre les deux hommes qui offrent les rôles principaux à leurs amours respectifs.
Pour Cocteau, la Bête qui devient prince charmant ne peut être que Jean Marais. Quant à la Belle, le rôle revient à Josette Day, alors maîtresse de Pagnol. Il s’agira d’ailleurs pour elle d’un cadeau d’à Dieu, puisque finalement Pagnol la quittera peu de temps après et se retirera du projet.
Dès lors, Cocteau doit travailler seul et au sortir de la guerre, monter ce film devient un travail de Titan entre contraintes budgétaires, difficultés techniques et jalousie professionnelle. Mais celui-ci est opiniâtre et puise son énergie dans l’adversité.
Au printemps 1944, ce qu’on peut assimiler à un script est finalisé : c’est ce fameux manuscrit. Il présente de nombreux ajouts et corrections et si les dialogues sont déjà très proches de ce qu’ils seront dans le film, certains détails n’apparaitront pas.
Mais la scène finale filmée à l’envers pour donner l’illusion que les personnages s’envolent est, elle, détaillée sur trois pages. Une vraie leçon de cinéma.
Encadrant ces pages de textes, huit dessins de la main de Cocteau où déjà apparaissent les traits de la Belle et de la Bête où déjà apparaît toute la poésie, tout le charme du film.