Parfois, le vendredi soir, Amélie va au cinéma.
J'aime bien me retourner dans le noir et contempler le visage des autres spectateurs…
Et puis j'aime bien repérer le petit détail que personne ne verra jamais…
Par contre, j'aime pas, dans les vieux films américains, quand les conducteurs ne regardent pas la route…
Amélie n'a pas d'homme dans sa vie. Elle a bien essayé une fois ou deux, mais le résultat n'a pas été à la hauteur de ses espérances.
En revanche, elle cultive un goût particulier pour les tout petits plaisirs : plonger la main au plus profond d'un sac de grains… … briser la croûte des crèmes brûlées avec la pointe de la petite cuillère… … et faire des ricochets sur le canal Saint-Martin.
Lui, c'est l'homme de verre.
À cause d'une maladie congénitale, ses os se cassent comme du cristal. C'est pour cela que tous ses meubles sont molletonnés. Une simple poignée de main risquant de lui broyer les métacarpes, ça fait vingt ans qu'il évite de sortir de chez lui.
Le temps n'a rien changé, Amélie continue à se réfugier dans la solitude.
Elle prend plaisir à se poser des questions idiotes sur le monde ou sur cette ville qui s'étend là sous ses yeux… Combien de couples, par exemple, sont-ils en train d'avoir un orgasme, à cet instant précis ?