Ma grand-mère
« Je veux mourir proprement. Taisez-vous. Je sais que c’est fini.
Dites à la femme de chambre qu’elle prenne une paire de draps brodés sur le quatrième rayon de la grande armoire, dans l’antichambre. Quand mon lit sera refait, vous ferez entrer mes petits-enfants. »
Ainsi fut fait…
Elle nous fit mettre à genoux, se donna beaucoup de peine pour soulever la main droite et, à tour de rôle, nous la posa sur le front, en commençant par mon frère, l’aîné.
« Que Dieu vous garde, mes enfants ! »
Ce fut tout. Il ne fallait pas trop présumer de ses forces.
Nous nous retirâmes à reculons, comme devant un roi. Et aujourd’hui, à plus de vingt ans de distance, encore remué jusqu’au fond du cœur, je persiste à croire que cet hommage lui était dû.
Certes, elle n’avait pas le profil populaire de l’emploi, ni le baiser facile, ni le bonbon à la main.
Mais jamais je n’ai entendu sonner de toux plus sincère, quand son émotion se grattait la gorge pour ne pas faiblir devant nos effusions.